Récit d’un voyage à vélo à Bali : de Bangsal à Senaru (15)
Réveil matinal ; c’est le grand départ (enfin !) vers la prochaine étape du voyage : le Agung Rinjani. Nous espérons y découvrir, davantage qu’aux Gili, Lombok et ses habitants, à la réputation plus sulfureuse que Bali. Fabrice et Anne, deux français rencontrés dans le ferry pour Lombok nous avaient confié le numéro de téléphone d’une petite agence de trekking de Senaru (il y en a une quizaine) et, après avoir fait le tour des agence des Gili qui proposent des prix plus qu’exorbitants, nous nous décidons à les appeler. Sapri, le responsable que j’ai au téléphone a l’air sympa et m’annonce des prix raisonnables. Je n’ai pas trouvé moins cher et même si je n’ai pas eu de retour de Fabrice et Anne (j’espère qu’ils vont bien), je signe pour 15h00 à Bangsal.
Louis est crevé et malade depuis cette nuit (le barracuda d’hier n’était visiblement pas très frais). Je le laisse se reposer pendant que je réorganise les sacs, rangeant définitivement les affaires de plage dans les sacoches pour faire place aux équipements de montagne. Lampes torches, pansements, anoraks, chaussures,…Décidément, nous sommes très bien équipés. Un repas rapide et nous embarquons à nouveau les vélos (tant bien que mal) sur le public boat bien changé. La mer est démontée et le chauffeur n’est pas très fin. Une femme a le mal de mer et il en profite pour la taquiner un peu. Le bateau craque dans toute sa longueur et les premières vagues rencontrées par le bateau, encore à faible allure, ont bien failli nous être fatales (ok, on était à 400 mètre du bord mais sans vélos ni passeports, on aurait pas fait les malins). En prenant le large, les choses s’arrangent un peu mais je vérifie de temps en temps que je peux bien rejoindre une des Gili à la nage (et ne soyez pas mauvaise langue car Louis aussi scrute l’horizon).
Sains et saufs mais trempés, nous débarquons à Bangsal vers 14h45. Nous quittons le port, trop bondé, pour prendre un Coca en attendant notre chauffeur.
Un jeune bien marrant se fout de la gueule d’un groupe de français qui montent dans un bémo pour Senggigi (25 km) pour 60 euros, soit environ ce que chargerait un taxi en France. Pas étonnant que nous devions négocier une division des prix par 4 voire par 5…L’heure tourne. Nous le saluons et retournons au port attendre le taxi. On commence à s’impatienter vers 16h00 et on rappelle Sapri. Le taxi était bien là…en face de nous mais il ne nous a pas appelé car nous avions des vélos. Nous non plus, car à l’évidence, les vélos ne rentreront jamais dans sa voiture. Le taxi peste un peu, nous aussi. Au final, en enlevant les roues, on arrive à faire entrer un vélo, puis deux. On tend des ficelles un peu partout et on part à l’aventure.
Il faut compter environ deux heures pour arriver à Senaru et nous découvrons une île beaucoup plus préservée que Bali ; d’abord quelques villages de pêcheurs puis des cultures maraîchères. Le taxi est super sympa et il s’arrête çà et là pour nous laisser prendre des photos du Rinjani d’ici, a ni plus ni moins l’air d’un monstre.
Nous arrivons vers 17h45 au bureau de Galangijo Expeditions. Sapri et un guide nous attendent et nous offrent un coca en nous expliquant ce qui nous attend. 3726 mètres d’ascension, 25 km de marche…Que du bonheur !
“Et il y a beaucoup d’accident ?”. Le guide me répond très calmement : “Oui, presque tous les jours”. “Mais, il suffit d’être prudent…” (J’essaye de me rassurer). “Oui, normalement. Mais c’est aussi la nature. Si le volcan vous veut, on ne peut rien n’y faire”. Génial ! C’était exactement ce que je voulais entendre…
On parle, on parle mais nous sommes sur une île majoritairement musulmane, en plein Ramadan, et la rupture du jeun commence dans 20 minutes. Sapri nous invite gentillement à rompre le jeun chez lui. Nous acceptons, très touchés, puisque c’est un grand signe de respect. Mais nous devons vraiment nous laver avant. Nous avons pris une chambre dans l’hotel d’en face, le Ponduk Senaru. Même si l’eau de la douche est horriblement froide, elle a le mérite de ne pas être salée…Je vais enfin pouvoir me faire un shampoing, le premier depuis sept jours.
Nous enfilons des habits propres (un peu plus) et allons chez Sapri. Nous enlevons nos chaussures à la porte et prenons place sur un tapis avec les hommes. La femme de Sapri et ses filles ne mangent pas et jouent dans le coin opposé de la pièce.
Nous sommes cinq et une multitude de plats s’offre à nous : gado-gado (légumes épicés), sauce chili ou arachide, poissons, riz, gâteaux de riz cuits dans des feuilles de bananiers, gelées, cajous grillées, etc…Je tombe sous le charme d’un poisson très salé bouillu dans du curry, de l’oignon et des épinards. Nous mangeons à la main ce qui enchante Louis. Nous essayons d’en savoir un peu plus sur la religion musulmane à Lombok. sapri me dit quelle position je dois adopter en tant que femme (jamais en tailleur mais toujours à genoux) et m’explique qu’ici, il n’y a pas de grande différence entre hommes et femmes. Il m’explique également que ses filles ne jeunent pas car elles sont trop petites. Elles commenceront à 7 ans par une demie journée de jeun. Cela me rassure un peu même s’il n’y a pas de quoi s’inquièter: elles sont malicieuses et pleines de vie…
La conversation évolue au fil de l’heure et nous parlons tour à tour études, football (ils ont perdu beaucoup d’argent en pariant sur la France cette année) et avenir. Sapri et le guide ont tous deux 28 ans et même s’ils ont une famille à nourrir, ils ont les mêmes préoccupations que nous : être indépendants de leurs parents, construire leur propre maison et réussir leur carrière. Sapri nous raconte comment est né Galangijo Expeditions il y a trois ans. Une dizaine de guides se sont réunis pour créer leur affaire et ne plus travailler pour les grosses compagnies qui les payaient une misère. Ils ont embauché 70 porteurs et les payent le même prix que les guide : 100 000 rp par jour. Le reste sert à l’entretien du matériel et à garder de l’argent pour la saison des pluies (décembre à avril) où le Rinjani est impratiquable car trop dangereux. Louis et moi adhérons vraiment au concept même s’il est encore trop tôt pour se prononcer. Il est tard et nous devons dormir pour être en forme demain. Le réveil est mis pour 7h30. Extinction des feux…