Mon cœur resté à Voh
Certains paysages passent et vous caressent, légères brises. D’autres, si l’image s’ajoute à l’instant, vous salent un peu l’âme, comme un vent du large. Ce n’est pas de ces paysages dont je vous parle mais d’une bourrasque, d’un ouragan, d’un paysage bien vivant. Celui que l’on ne peut pas oublier, celui que l’on croit revoir à la cime de chaque mont et qui, tatoué au revers des paupières, réapparaît dès que l’on ferme les yeux.
La journée avait pourtant mal commencée. Mettre le réveil à 6h pour monter dans un coucou instable est loin de m’enchanter.
Quand Gilbert, mon pilote d’ULM, décroche la porte passager pour que je puisse prendre des photos, je vire au vert.
(sauf pour la photo)
Il a beau me rassurer, je double-check tous les écrans, espérant que les heures perdues sur Flight Simulator me servent enfin à quelque chose. Le vent est à 15 noeuds. A ma grande surprise, le décollage se fait tout en douceur.
Gilbert m’apprend que si Voh a été rendu célèbre par Yann-Arthus Bertrand, la première photo du cœur a été prise en 1945 par l’armée américaine. Sa formation entièrement naturelle s’explique par les différences de niveau d’eau. Au centre, poussent des palétuviers peu friands en eau alors que l’espèce dessinant son contour a besoin d’être davantage immergée. La montée des océans menace donc le cœur de disparaître et en fait un symbole de la lutte contre le réchauffement climatique.
Gilbert en fait des caisses : “Ça va changer ta vie, tu vas peut-être même pleurer. En tout cas, tu m’oublieras jamais”.
Lentement, le bleu apparaît. Un bleu cartouche d’encre d’une beauté inimaginable. Comme la fourrure d’un animal marin, le lagon tacheté s’étend à perte de vue.
Nous suivons le canal creusé par les hommes pour la navigation vers les grands fonds. En boucle, il n’y a qu’un mot que j’arrive à prononcer : “Parfait, parfait, parfait”.
Gilbert amorce un virage à 180 degrés : “Calme toi, ça n’a pas encore commencé”.
Là, à la frontière du lagon et du grand large, un trou béant plonge à plus de 200 mètres de profondeur. Pour les mélanésiens, le site est tabou. Aucune approche en bateau, aucune recherche scientifique n’a pour l’instant oser braver l’interdiction kanak. La légende dit qu’après la mort, les âmes viennent au trou bleu pour passer vers l’autre monde.
Un frisson me traverse. Ça peut paraître fou mais d’en-haut, ça ressemble à la vérité.
Au fur et à mesure que nous perdons de l’altitude, le lagon prend vie. On distingue les bateaux, plus loin les hommes pêchant à pied et en bordure de mangrove, illustration d’un tout formidable, la transhumance des raies manta.
Entre mangrove et lagon, Voh, Nouvelle-Calédonie
Gilbert chante à tue-tête Hotel California en mettant le cap sur la mangrove.
Je me souviens de la dernière fois où un paysage m’a pris aux tripes. C’était en 2007 sur la Grande Muraille de Chine. Le vent soufflait fort et j’ai cru, l’espace d’un instant, entendre les pas de milliers de soldats travaillant à sa construction.
Il y avait le biais des hommes et de l’Histoire. Là, c’est la Nature, sans intermédiaire, qui me parle, comme une femme amoureuse mise à nue et ne demandant qu’une chose ; que l’on croit en elle.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le Cœur me parle, nous battons à l’unisson et je voudrais sauter de l’avion, me coucher à son creux, dans le vert des verts et m’y lover.
De retour sur terre, j’abandonne mes projets de l’après-midi et, coûte que coûte, demande à Gilbert de me ramener au Cœur une seconde fois. J’y retrouve la même intensité et, s’il existe un endroit où naissent les âmes nouvelles qui parsèment le monde d’innocence, je crois bien que je l’ai trouvé.
Je quitte Gilbert émue d’avoir rencontré un homme généreux, fou d’amour pour un paysage et capable de si bien le partager.
Tu me l’avais dit Gilbert : je ne t’oublierai jamais. Je ne t’ai pas cru. Maintenant, je le sais. Avec toi, pour toujours, mon cœur resté à Voh.
Lire la suite d’un récit de voyage en Nouvelle-Calédonie
Ta manière de raconter cette expérience est très touchante, merci beaucoup !
@carine Merci beaucoup 😉
Magnifiques photos…! De quoi donner envie de s’évader et découvrir cette belle nature qui nous entoure… Merci pour ce beau récit et bonne continuation dans vos voyages !
Je n’avais pas forcément envie de survoler le coeur de Voh (pour mes convictions éco-responsable), je voulais faire c’est fait ! Mais quand je vois tes photos et quand je lis ton article, je pense que je vais craquer !
Bisous
Schuldi
PS : Un week-end en Espagne à gagner sur mon blog!
@schuldi Merci 😉
Je pense que ça vaut vraiment le coup. Et, pour ceux qui ne sont pas encore éco-responsables, ça pousse à une prise de conscience rapide !
Désolé de ne pas t’avoir croisé. Le timing était vraiment trop serré :-/
Merci beaucoup Laure. Promis, je continuerai à vous donner des idées d’évasion encore pendant longtemps 😉
Ton post m’a donné la chair de poule et m’a mis les larmes aux yeux… Si tout se passe bien je serai en Nouvelle Calédonie en février 2016, j’espère pouvoir y vivre les mêmes émotions !
très belles photos.
lors de notre passage en 2012, les nuages étaient de sortie donc nous avions renoncé au survol.
mais bien décidé à voir le Coeur, on nous avait dit qu’après une petite marche sur les hauteurs, on pouvait le voir.
et bien après 30mm à ce dire “ca doit être la”, “mais non c’est la”.
et bien on le cherche toujours !!!
donc une seul solution, il faudra y retourner 😉
Lydie
Un magnifique et touchant article qui trouve écho en moi, et à ce que j’ai pu parfois ressentir en voyage… Je n’ai plus qu’une envie: m’envoler à mon tour au dessus de Voh 🙂
@caroline Merci beaucoup 😉 Je te le souhaite vraiment
@lydie C’est vrai qu’il faut aussi avoir la chance de la météo pour le voir en avion.
Je publierai bientôt un article sur la visite du maquis minier et, de ce sentier, on peut aussi voir le Coeur. J’essayerai de vous expliquer exactement où il est pour que vous ne puissiez pas le louper.
En espérant que tu puisses y retourner un jour 😉
@isa-voyage-en-beaute Merci beaucoup 😉
Si tu as besoin de conseils à ce moment là, n’hésites pas à me contacter.
Bonjour Claudia,
Ton récit m’a donné des frissons ! je pars en NC dans un peu plus d’un mois, pourrais-tu me donner le contact de Gilbert pour que nous puissons vivre ce moment ? merci !
Bien sûr @audrey
N’hésite pas à lui dire que tu viens de ma part.
Voici son email : gilbulm@hotmail.fr
Tu me diras ce que tu en as pensé à ton retour 😉
Claudia
@audrey, je t’ai remis le bon email. désolé (correction automatique) 😉
Bonjour,
Est ce qu’un vol en après midi est tout aussi joli que le matin de bonne heure ?
Merci !!
Bonjour Jess,
Le soleil est un peu ras le matin. Si tu en as la possibilité, la meilleure heure semble être vers 13-14h. Cela dépend aussi un peu de la météo. Le mieux est donc de demander directement au moment de la réservation qu’elle sera la meilleure heure pour que tu en profites 😉