Bourail, entre ranchs et lagon
Les lodges du Betikure se dessinent à mesure que le soleil se lève et c’est à un véritable spectacle que j’assiste dans un silence absolu. Je profite de chacune de ces couleurs, si particulières au Pacifique, en me disant que s’il me restait plusieurs vies, j’en passerai bien une ici.
Fenêtres ouvertes, je longe la Baie de Gouaro. En bord de route, les stations d’élevages se succèdent. Un océan vert où quelques vaches paissent sous les palmiers, décor à faire pâlir d’envie nos belles limousines.
Un peu avant la Roche Percée, un sentier s’ouvre dans une forêt de cycas, où je m’engouffre avant les heures chaudes de la journée. Des petits lézards noirs filent entre les lianes à mesure que je me perds. A se balader ici, on croit toucher une origine tant la nature nous envahit.
Des ranchs à la forêt, il n’y a qu’un pas et je retrouve à présent la mer, qui par un bras, rejoint ces paysages pour mieux les compléter. A ma gauche, l’embouchure, d’un calme envahissant, de l’autre côté, une longue plage vierge où les tortues ont pris l’habitude de pondre et, comme moi, scrutant le lagon à l’horizon, le Bonhomme de Bourail. Il me prend des envies de tout quitter, de me délester et, comme cet homme minéral, de veiller sur la baie. Une petite cabane en bois, un harpon peut-être et le temps de la nature devant soi.
Après un rapide déjeuner sur la magnifique plage de Poé, je me souviens que l’on m’a parlé d’un personnage qui vit sur les hauteurs de Pouéo, à quelques kilomètres seulement de Bourail. Un corse qui profite de la prolifération des cerfs sur l’île pour faire de la charcuterie comme à la maison. Au téléphone, l’homme est peu loquace et me fixe rendez-vous avec un “après la sieste” lapidaire. Espérons que 16h30 soit la bonne heure.
Entre les rayonnages des frigos, Jean-Louis me parle de son arrivée sur l’île il y a 9 ans “pour des vacances”. Ce n’est pas la première fois que j’entends cela et j’esquisse un sourire, en espérant réussir à rentrer chez moi.
La recette d’origine de son lonzo de cerf, il l’a tient de Raymond, un corse de Nonza qui, comme lui, n’est jamais reparti. En m’expliquant l’équilibre subtil de la salaison et de l’humidité, ses yeux s’illuminent. J’aime son franc parler, ses insultes tendres des gens du sud et sa façon de regarder ses saucissons comme des nouveaux-nés.
“T’avais trop chaud dehors pour venir visiter des frigos ou quoi ? Attrape-moi une coppa. C’est le goût que je vends, pas moi”. Il m’improvise une dégustation en quelques tranches et un verre de vin et tout cela prend très vite une tournure familial. Il me raconte quelques anecdotes bien salées qui me font hurler de rire et me scrute à chaque bouchée pour voir si la corse valide sa charcuterie de bout du monde. Pas la peine de faire semblant ; elle est excellente et je reprends du lonzo une fois, deux fois, trois fois avant d’arrêter de compter.
Je m’éclipse avec regret de cette table où m’attendait une omelette au figatellu de cerf et reprend la route, de nuit cette fois, vers Koné. Je repense à Bourail la rurale, au lagon, à la petite forêt de cycas et à cette belle rencontre comme si, depuis mon arrivée, la Nouvelle-Calédonie m’offrait le luxe de vivre plusieurs jours dans la même journée.
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Informations complémentaires :
Entre les photos et le texte, on a presque le goût du lonzo en bouche… Excellent!
Merci @thierry-b
Imagine la texture de la St Jacques, le goût du cerf et une fin de bouche noisette et tu y es 😉
Oui Lonzo et figatellu de cerfs?Jean louis de Nonza? Comme si j’y étais .aussi je t’avais dit de me mettre ds ta valise.Felicitations a ce personnage aussi. Bisous
@claude-sarocchi Merci !