De mon voyage au Guatemala, j’ai ramené 10 photos et des milliers d’impressions qui se croisent, se contredisent, se soutiennent et forment un nuage imperceptible, une première marche seulement pour comprendre non pas un nouveau pays mais un monde en soi. Il y avait, avant de partir, ce que je savais du Guatemala, ces quelques chiffres que l’on jette
en pâture aux curieux pour situer une nation : 9ème pays le plus inégalitaire du monde, 83% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, 17 familles au pouvoir, 15 millions d’habitants, 69 ème PIB mondial. Voilà la fiche, bien froide, résumant ces 108 000 km2.
Et puis, il y a la vérité du terrain, quand on atterrit enfin et que s’engouffre dans la carlingue, la première bouffée d’air, mélange de terre et d’un vert puissant. C’est les couleurs, d’abord, qui sautent aux yeux. Enseignes, costumes des femmes, lumières des villes, fleurs, ciels, façades et reflets du lac, elles sont partout vivantes, excessives, d’un autre éclat. Le détail soudain n’existe plus. Il n’y a que l’ensemble.
Chaque photo me paraît ne voler qu’un morceau de cette scène immense. Imaginer pour reconstituer. Il ne reste plus que cela. Voilà le Guatemala pour moi : une femme au marché est penchée, un poulet à la main. Défiante ou effrayée, je n’en sais rien. A ces pieds, une terre insolemment riche lui offre café, pommes de terre, bananes, chocolat et maïs. En contrebas des dédales de rues pavées, s’ouvre sur un ciel chargé un lac d’altitude, Atitlan. Ici, le calme, la fin des luttes. Imprimée dans la couleur de l’eau : la profondeur. La même profondeur que le regard de la femme au marché, teintée par toutes les épreuves d’une vie et par la résignation heureuse quand enfin on a compris.
De l’autre côté de la rive, l’ombre d’un premier doute. Un volcan, puis deux, puis, trois, puis trente-sept qui ont levé la terre. Des bouches vers le ciel qui crient la lave et le feu. Au sommet de cette même photo, c’est le Fuego qu’on aperçoit. Toutes les vingt minutes, il crache au-dessus d’Antigua sa colère maya. La fatalité, la peur des Dieux, dans le recoin d’une cours que l’on voit à peine, cette vieille la marbre sur un tissu coloré. C’est son antidote contre l’oubli. Une culture que l’on tisse, fil à fil, et que l’on porte en ouipil comme un étendard pour se souvenir que le temps, ici, ne passe pas.
Prise par ce riche tournis, je regarde au-dessus, au-dessus encore des volcans pour atteindre, pacifique, l’océan. Tout est loin. Le marché, les couleurs, le regard et la vieille femme. Dans le roulis des vagues et la mangrove aux pélicans, des objets d’autres mondes m’arrivent. Une tong, une brosse à dent, un tube de crème solaire évidé, un sachet plastique. Et je me demande pour combien de temps encore la photo restera gravée de ce Guatemala si fort, si fier, si férocement attaché à rester le même et que j’admire en secret.
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On m’avait dit qu’il y avait quelque part vers Bijagua une rivière azur qui serpentait
J’adore cet article ! Les photos sont superbes et retranscrivent vraiment l’ambiance des moments je trouve. Le Guatemala fait partie de notre (longue) liste de pays à découvrir, tu nous donnes encore plus envie d’y aller !!
Merci beaucoup Perrine.
C’est un vrai coup de coeur, autant pour les guatémaltèques que pour les paysages. Je te souhaite de tout coeur de pouvoir y aller et de découvrir toutes ces initiatives locales qui font le Guatemala.