J’ai reçu il y a quelques mois le mail d’une lectrice qui m’a dérouté. Pas j’essayais d’y répondre sincèrement plus le sujet soulevait de questions. J’ai longtemps attendu pour écrire cet article et rendre mes réponses publiques, question de légitimité 

je pense, mais aussi car le sujet me semble si intime qu’il est difficile d’apporter des éléments concrets. J’espère néanmoins que ces quelques pistes vous éclaireront sur le voyage initiatique. 

“Je viens de lire ton article Partir ou rester : le courage de voyager et j’avoue que je reste dans l’entre deux. 

Je voudrais partir mais je ne sais pas où aller, je sens que je veux fuir cette vie routinière dans laquelle je m’enlise sans avoir l’impression de vivre, paralysée par le confort matériel. Tant qu’il est une fuite, j’ai l’impression que le voyage restera stérile. Je suis déjà partie seule pour une semaine ou quinze jours en Inde puis au Mexique  Mais je ne m’y suis pas trouvée…Je me cherche mais j’ai l’impression de ne pas regarder au bon endroit. Je pourrais tenter l’expérience en groupe mais j’ai peur d’être surtout avec des séniors. Comment réussir un voyage qui nous transforme réellement ? Seule ou en groupe ? Choisir une activité ou se laisser porter ? Avez-vous des pistes ?” 

Florence. 

 

Si je suis persuadée, par mon expérience propre et par les nombreux témoignages que j’ai pu glaner, que le voyage peut être thérapie (je vous conseille le blog de Séverine Chérix à ce sujet, Vertiges de ma vie, une de mes amies blogueuses qui a soigné seule son agoraphobie et ses angoisses à grands coups de voyage) reste à prouver comment faire…

Peut-on préparer un voyage initiatique ? 

Quels sont mes ingrédients pour qu’un voyage ait du sens ? 

S’il me semble qu’il est impossible de planifier le voyage qui changera votre vie à coup sûr, voici néanmoins quelques clefs pour vous mettre sur la bonne voie. 

1. Le voyage initiatique : le bon timing

Par essence même, puisqu’il naît avant tout d’une sensation, le voyage est une question de timing. Il ne se force pas. C’est un besoin endormi en chacun de nous qui, tout à coup, se met à parler. 

A ce moment-là, on sait bien que des vacances ne suffiront pas, qu’elles ne combleront rien ou si peu. Il n’y a plus de destination qui compte, juste la nécessité de partir et de vivre autre chose, ailleurs. 

C’est exactement ce que décrit Florence dans son message. On se sent désemparé et on sait juste que l’on doit partir et qu’il soit se passer quelque chose, que l’on a besoin d’être transformé. 

Un voyage initiatique, c’est avant tout une question de timing : une envie profonde qui ne se prémédite ni ne se force. Un moment de vie où on est particulièrement enclin à se remettre en question, que ce soit sur un sujet en particulier ou sur tout un pan de notre vie. Comptez autour de vous les amis qui sont partis en tour du monde sur un apparent coup de tête : qu’y avait-il derrière ? Souvent une rupture, un licenciement, le décès d’un proche ou un mal être latent installé depuis plusieurs années. 

 

Encore faut-il en avoir les moyens et la possibilité au bon moment. Mais sachez que c’est souvent lorsqu’on se sent le plus fragile que l’on est capable de se réinventer le plus. Naturellement, on repousse le moment en se disant qu’on partira lorsqu’on sera un peu mieux dans sa peau, un peu plus serein et c’est pourtant tout le contraire qu’il faut faire…

Une seule solution : profiter du vide, surmonter sa peur et sauter dans le vide !  

2. Le voyage initiatique : une question de temps ?

Il y a quelques semaines, un ami me disait que tous ses voyages marquants, ceux qui ont vraiment changé sa vie, avaient duré plus de trois semaines. Il a remarqué que c’était justement à la fin des trois premières semaines qu’une transformation commençait à poindre. Il était plus ouvert, plus attentif aux odeurs, aux paysages et aux rencontres. Il y avait enfin une place pour l’épiphanie.

Es-ce un hasard ? Je ne le pense pas. Nous sommes tellement conditionnés par cette idée des trois semaines d’été consécutives que tant qu’il s’agit de trois semaines, nous ne quittons pas le schéma des vacances tourisme. Et si on y rajoute ne serait-ce qu’une semaine supplémentaire, nous nous permettons de basculer dans autre chose, dans un temps qui n’appartient qu’à nous et que nous habitons pleinement. 

Vous avez déjà tous entendu un collègue ou un parent vous dire : “il faut une semaine de vacances pour décrocher et on recommence à penser au boulot une semaine avant la reprise”. C’est peut-être un peu exagéré mais il y a un fonds de vérité. 

Pour vivre le voyage, la notion de temps est essentielle. Il vous faudra peut-être un mois, six mois, un an selon l’importance de la révélation que vous cherchez et  l’état de fait dans lequel vous vous trouvez. C’est long, c’est un sacrifice d’une certaine façon, d’une autre un cadeau merveilleux que vous vous accordez : vous êtes enfin libre de construire qui vous êtes sans vous préoccuper du temps. 

Et, si la volonté est muscle que l’on peut renforcer, alors le voyage en est également un : lorsqu’il m’a fallu deux mois pour m’abandonner à mon premier voyage, il ne me faut aujourd’hui plus qu’une dizaine de jours pour atteindre cette connexion au flow du voyage. 

Thessalonique

3. Le voyage initiatique : faut-il partir seul ?

Une des questions les plus courantes est : faut-il que je parte seul(e) en voyage ?

Et c’est impossible d’y répondre en étant tout à fait impartiale. 

J’ai goûté à mon premier voyage solo en 2010. Depuis, c’est une véritable drogue et je n’envisage plus voyager autrement. A tel point que quand ma meilleure amie m’a proposé de partir 10 jours au Sénégal avec elle,  je n’ai pas résisté à l’envie d’y aller une semaine avant pour pouvoir également profiter du pays seule. 

Beaucoup ont peur de voyager seul(e) car cela signifie ne pas partager avec quelqu’un les bons moments, être vulnérable et s’ennuyer. 

Pour moi, être seule, c’est être libre. De s’amuser, de s’ennuyer, de provoquer à tour de rôle les rencontres et l’introspection. Etre vulnérable, affronter ses peurs. C’est assai laisser la place libre à côté de soi pour qu’un étranger puisse partager un coucher de soleil avec vous ou vous inviter à manger. 

Je sais que certaines personnes ne supportent pas la solitude et que cette étape est souvent la plus difficile à franchir donc je préfère mesurer mon propos : je pense qu’il est possible de vivre un voyage fort à deux voire à trois mais il y a moins de chance d’atteindre une transformation car il faudrait que la réflexion, les doutes, les questions soient les mêmes et se posent en même temps. Il faudrait que les conclusions se ressemblent et continuent de vous porter sur le même chemin. Ce qui est possible ! mais rare…

A la place, il y aura des moments de grâce et d’apprentissage mais ils seront plus brefs. 

C’est un fait : voyager en groupe, même restreint, ne vous obligera pas à aller chercher l’expérience en dehors de votre cercle

Prendre son courage à deux mains sera toujours payant et plus la solitude vous fera hésiter, plus elle vous est nécessaire. 

De mes rencontres en solitaire, j’ai appris tellement de choses qu’il faudrait y consacrer une petite dizaines d’articles. J’ai appris par exemple de Nyoman, un jour d’orage dans les rizières de Bali où je cherchais un abri, qu’un brillant avocat n’est rien s’il oublie sa terre natale. Après des années à Jakarta, il a décidé de tout quitter pour rejoindre sa communauté et reprendre une exploitation de café luwak à l’abandon. Moi qui jusque là ne me sentait de nulle part, j’ai compris grâce à lui l’importance de l’ancrage géographique et qu’il ne sert à rien de partir sans savoir d’où on vient. 

Nyoman et Claudia, pause "Philosophical Luwak Coffee"

4. Le voyage initiatique : l'importance du chemin

Je crois que Florence a touché du doigt une question sensible et qui revient souvent dans les mails des lecteurs du blog. 

Si je souhaite changer, où dois-je partir ? 

Il y a de ces légendes urbaines qui vous promettent  des destinations qui changeront votre vie à coup sûr : l’Inde, le Tibet, le Mali il y a quelques années, le Costa Rica maintenant. Au risque de vous décevoir, je ne crois pas à une destination comme une pilule miracle pour soigner un maux.

Il n’y a pas de pays plus magique qu’un autre, plus à même de questionner vos doutes. Nous sommes tous différents et il vous faudra donc construire votre voyage en fonction de votre personnalité et de ce que vous recherchez. 

En analysant les voyages qui ont réellement changé ma vie, j’ai compris qu’ils avaient tous un point commun : le chemin parcouru. Je ne parle bien évidemment pas de distance mais d’un temps suspendu entre deux points ralliés par la route, à pied ou à vélo, qu’importe. 

Certains chemins sont associés à des quêtes spirituelles (pensez à Saint-Jacques de Compostelle ou au Chemin des 88 temples de Shikoku au Japon par exemple). S’il y a dans tous les pays du monde des chemins de pèlerinage  c’est bien que l’homme a cherché de tout temps à s’interroger et que la route est propice. 

Partir en France ou à l’autre bout du monde ne provoquera rien, le véritable chemin se construit sous vos pas pourvu que vous lui laissiez le temps de prendre forme 😉

Le chemin peut également être mental : l’ermite, dans sa quête du minimum se retire pour se trouver seul face à lui-même. Si je crois en la résonance  de ce type de voyage, il ne me paraît envisageable que dans un second temps. Si c’est votre première expérience face à la solitude, préférez marcher et favorisez les rencontres car l’isolement, sans habitude, peut rapidement être mal vécu. 

 

“Dans le Gobi, je m’arrêtais pour passer la nuit, là, m’écroulant sous moi à l’endroit de mon dernier pas et repartais le lendemain, sitôt l’oeil ouvert, machinalement. Je jouais au loup, à présent, je fais l’ours. Je veux m’enraciner, devenir de la terre après avoir été du vent. J’étais enchaîné à l’obsession du mouvement, drogué d’espace. Je courais après le temps. Je croyais qu’il se cachait au fond des horizons (…) L’homme libre possède le temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant“. 

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie

 

J’aborderai dans un prochain articles mes méthodes pour réussir un tel voyage en vous expliquant ce que ces expériences m’ont apportées. 

Il y a sûrement bien d’autres façons de découvrir et de rechercher, par le voyage, comment changer un quotidien qui nous pèse. C’est une démarche si personnelle qu’il m’est difficile de vous guider davantage. J’espère néanmoins vous avoir donné quelques pistes et je serai ravie d’entendre les vôtres. 

Avez-vous déjà effectué un voyage qui a profondément changer votre vie ? Qu’avez-vous découvert et dans quelles circonstances ?  

 

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